Un amendement visant à faire du sexisme « une circonstance aggravante de tous les crimes et délits, au même titre que le racisme et l’homophobie » vient d’être adopté par les députés, le 16 juin 2016. C’est un nouveau pas vers une victoire, après 50 années de lutte dans le cadre du projet de loi « Egalité et Citoyenneté » .
Dès les débuts du MLF, en 1968, avec Antoinette Fouque, la lutte contre les violences faites aux femmes s’est imposée comme une question majeure et une préoccupation incessante. Bien des avancées ont, depuis, été faites : la reconnaissance du viol comme crime, l’incrimination du viol conjugal… Des études et des programmes ont été mis en place par l’Etat et les institutions et la prise de conscience est désormais acquise.
Mais alors que la France a adopté une loi anti-raciste en 1972, après avoir ratifié la Convention des Nations unies contre le racisme, elle s’est jusqu’à ce jour refusé, gauche et droite confondues, à adopter une loi anti-sexiste sur le même modèle, alors même qu’elle ratifiait la Convention des Nations unies sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes de 1979.
Nous la réclamons depuis 1981. Le 9 mars 1983, sous la pression de publicitaires qui refusent, au nom de la liberté d’expression toute limitation à l’usage de l’image des femmes, Yvette Roudy, ministre des Droits de la Femme, doit retirer son projet de loi anti-sexiste, pourtant limité.
Le 15 septembre 1989, à la suite d’attaques misogynes grossières contre Simone Veil, Antoinette Fouque et l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, lancent une Pétition pour « la dignité des femmes », demandant une fois encore l’élaboration, l’adoption et l’application de cette loi anti-sexiste.
En 2002, après l’assassinat à Vitry-sur-Seine, de Sohane Benziane, 17 ans, brûlée vive dans un local à poubelles où elle avait été emmenée de force par plusieurs garçons de sa cité, Antoinette Fouque écrit à Blandine Kriegel, chargée de mission auprès du Président de la République :
« Le même jour, rappelle-t-elle, un jeune homme d’origine maghrébine était tué par balles, à Dunkerque, par un ivrogne forcené. D’emblée, cet acte a, justement, été qualifié d’assassinat raciste et a été condamné par les plus hautes autorités de l’État (…). En revanche, l’assassinat barbare auquel la jeune fille a succombé, malgré son caractère manifestement sexiste, n’a pas été interprété comme tel, et n’a suscité aucune protestation officielle.
Deux poids, deux mesures aussi du côté des médias et de l’opinion qui ont abondé dans ce sens : manifestations de colère et de violence en conséquence pour le jeune homme, silence abyssal pour la jeune fille ».
Antoinette Fouque réitère dans cette lettre (1) sa proposition, faite dès 1989, de modification de la Constitution française, pour que « le bénéfice des droits « inaliénables et sacrés » consacrés par le Préambule de 1946 soit reconnu à « tout être humain, quel que soit son sexe, et dans distinction d’origine ethnique, de religion, d’opinion et d’orientation sexuelle ».
En 2004, premier pas dans ce sens, Nicole Ameline, fait adopter une loi sanctionnant pénalement les diffamations ou injures à caractère sexiste, au même titre que celles à caractère raciste ou homophobe.
Mais jusqu’à aujourd’hui, il n’existe pas de reconnaissance des violences et meurtres sexistes (ou misogynes, ou féminicides), contrairement à ce qu’il en est des violences et meurtres homophobes ou racistes. L’adoption définitive de l’amendement soumis au Parlement, et défendu par la députée Maud Olivier, membre de la Délégation aux droits des femmes, constituerait donc une avancée majeure.
(1) Lettre publiée in Antoinette Fouque, Il y a 2 sexes, Le Débat/Gallimard, édition 2004