L’une des premières actions de l’Alliance des femmes pour la démocratie, en 1989, a été le lancement d’une pétition pour une loi antisexiste, en application de la Convention des Nations unies de 1979 sur l’Élimination de toutes les formes de Discriminations à l’égard des Femmes“(CEDAW)“. Ratifiée par la France en 1983, cette Convention est la déclaration des droits des femmes la plus complète et la plus avancée qui soit et » un relais pour la conquête de nouveaux droits, de nouvelles libertés « .
En décembre 1989, c’est l’Observatoire de la misogynie qui est créé : » Les luttes des femmes ont fait progresser nos libertés, nos droits, mais la misogynie n’a pas désarmé. De l’oubli pur et simple de notre existence à l’agression insidieuse ou brutale, elle se manifeste partout dans la vie quotidienne, à la télévision, à la radio, dans les journaux, sur les murs… Ne laissons pas bafouer notre dignité. Soyons vigilantes et sortons de l’isolement. » A.F.
Depuis le début du MLF, nous n’avons cessé de lutter contre les violences faites aux femmes. La question du viol s’est imposée d’emblée, comme tout premier thème dans les réunions non mixtes sur la sexualité, dès les années 1968-69. Pour la première fois, des femmes se réunissaient pour parler, écouter, s’entendre. Dans ces réunions, le viol pouvait être dit. Des centaines de femmes on pu ainsi lever le silence sur ce qu’elles avaient subi, comprendre et lutter.
Dès la création de l’Observatoire, nous avons recensé dans la presse française tous les crimes misogynes qui y étaient relatés. Nous avons participé à des manifestations, organisé des évènements, écrit des communiqués en rapport avec les meurtres de femmes.
Le 10 décembre 1989, nous étions dans la rue, devant l’ambassade du Canada, à l’appel de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, pour rendre hommage aux quatorze étudiantes assassinées à l’École polytechnique mixte de Montréal, par un homme qui criait, en tirant sur elles: “Je veux les femmes… Vous êtes des féministes, je hais les féministes.“ Anne Sylvestre et Marie Atger étaient avec nous pour chanter…
Le 8 mars 1990, l’Observatoire de la misogynie a participé au forum « La barbarie quotidienne à l’encontre des femmes » au cours des État Généraux des femmes, organisés à la Sorbonne par l’AFD.
Le 8 mars 1991, l’Observatoire de la misogynie a présenté le premier bilan des meurtres contre les femmes: en 1990 une femme par jour a été tuée en France, le plus souvent par un proche (mari, amant, père, fils…), un crime parfois accompagné de viols ou d’acte de torture.
1991, c’est aussi l’année où Amartya Sen, futur prix Nobel d’Économie (1998) fait apparaître que plus de 100 millions de femmes manquent à l’appel de la population mondiale, disparues parce qu’elles étaient des femmes du fait des avortements de foetus femelles, d’infanticide des petites filles à la naissance, des discriminations à l’encontre des petites filles ou des femmes dans l’accès aux soins, à l’alimentation, à l’éducation, à l’emploi… Un « gynocide » qu’Antoinette Fouque n’a cessé dès lors de dénoncer dans des textes, au Parlement Européen, dans les Conférences des Nations-Unies des années 90.
En 2000 est effectuée la première enquête officielle sur les violences contre les femmes. Le rapport ENVEFF confirme les résultats de l’Observatoire de la misogynie. Il fait apparaître que 10% des femmes en France sont victimes de violences conjugales, violences occultées et très peu combattues.
Depuis, nous n’avons cessé de dénoncer et de combattre la misogynie et les violences contre les femmes, réelles et symboliques. Cependant malgré les luttes de nombreuses associations, nous n’avons toujours pas obtenu en France la loi qui ferait de la misogynie un délit, et non plus « une opinion ». La lutte continue.