L’Union européenne demeure l’espace au monde où le socle est le plus solide pour les droits des femmes, le mieux ancré et où les droits humains et les libertés sont les mieux protégés
Par Michèle Idels
Avocate, co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie
Elisabeth Nicoli
Avocate, militante du MLF, co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocrat

Notre Europe est aujourd’hui en grand danger. De l’intérieur comme de l’extérieur, avec la montée des égoïsmes nationaux et des nationalismes, et les stratégies d’hégémonie d’États-continents rivaux, de nombreuses forces entendent la réduire, la disloquer, la faire exploser.

Elle est pourtant vitale pour les citoyen.ne.s européen.ne.s et pour toute espérance démocratique.

Nous ne devons pas nous y tromper: à l’heure où des régimes autoritaires voire dictatoriaux, religieux, machistes, prédateurs, tentent de mettre la planète en coupes réglées et prennent pour premières cibles les droits des femmes, l’Union européenne demeure l’espace au monde où leur socle est le plus solide, le mieux ancré et où les droits humains, sociaux, économiques, politiques, culturels et les libertés démocratiques sont les mieux protégés. L’UE a consacré l’égalité entre les femmes et les hommes comme l’une de ses valeurs fondamentales. La Charte européenne des droits fondamentaux proclame les droits à la dignité humaine, à l’égalité, à la solidarité, à la liberté de pensée, de conscience, d’expression, de réunion, à la non discrimination notamment en raison du sexe.

Les combats menés par le MLF, l’Alliance des femmes pour la démocratie et bien d’autres encore y ont contribué, et nous les poursuivrons.

Aujourd’hui comme hier, ne nous laissons pas abuser par le cynisme et la négativité de ceux qui, souverainistes démagogiques et irréalistes, veulent nous faire croire que ces valeurs constitutives de l’Union sont des principes inopérants, et qu’il vaut mieux être seul contre tous plutôt qu’allié.e.s.

Bien sûr, il reste beaucoup à faire pour que ces valeurs deviennent plus encore une réalité mais nous devons nous faire confiance et nous mobiliser pour y parvenir.

Grâce aux combats des femmes, les droits en Europe n’ont cessé, jusqu’à présent, d’être harmonisés par le haut, par la mise en œuvre de directives, de programmes d’action… Presque tous les pays de l’Union européenne autorisent aujourd’hui l’IVG, à l’exception de la Pologne qui la restreint fortement et de Malte qui l’interdit, et ces pays-là aussi devront avancer.

Le concept de parité est né en Europe tout comme les premiers gouvernements paritaires. Le nombre de députées européennes n’a cessé de croître pour s’établir aujourd’hui à 36,4%. Celui des députées en France est passé de 1,7% en 1968 à 38,7% en 2017. Sept femmes sont aujourd’hui à la tête d’un État membre de l’UE[1].

C’est en Europe encore qu’ont été adoptées les premières lois pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et tout récemment la France et l’Islande ont été les premiers États au monde à imposer une égalité de résultat en matière de salaires; c’est là que les femmes ont le meilleur accès à l’éducation, là où elles jouissent de la meilleure protection quand elles sont enceintes…

L’Union européenne s’est aussi donné pour mission la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle a signé en 2017 la convention d’Istanbul qui traite de la prévention et de l’aide aux victimes et elle entraînera nécessairement les États réfractaires à la ratifier. L’Espagne a été le premier pays au monde à adopter une loi globale pour faire reculer ces violences.

Et c’est encore l’UE qui, lors de la 4ème conférence des Nations Unies sur les femmes à Beijing[2] en 1995, a permis de faire reconnaître au niveau mondial le rôle vital des femmes dans le développement, la protection de l’environnement, la lutte contre la pauvreté ainsi que la nécessité d’accroître leur pouvoir de décision et d’action et de prendre en compte leurs besoins.

Mais aujourd’hui, presque 30 ans après, l’Arabie saoudite et l’Iran où les femmes sont des mineures discriminées à vie, violemment réprimées quand elles font acte de liberté, siègent au Comité des droits des femmes de l’ONU chargé d’accélérer les progrès de l’égalité femmes-hommes!!! Aux États-Unis qui n’ont toujours pas adopté l’Equal Rights Amendment pour lequel les Américaines luttent depuis des décennies, les premiers mots du nouveau président élu en 2016 ont été pour remettre en cause les droits des femmes. Depuis, plus de la moitié des États de la fédération ont restreint le droit à l’avortement. L’Alabama vient d’adopter une loi rendant l’IVG passible de 99 ans d’emprisonnement même en cas d’inceste et de viol. En Russie, le pouvoir a récemment dépénalisé les violences conjugales. En Turquie, qui fut le seul pays musulman laïc, le voile est devenu quasiment obligatoire et les femmes sont arrêtées quand elles manifestent contre les violences qu’elles subissent. L’Iran vient même de leur interdire le vélo!

Si la mondialisation ultralibérale, maintenant portée par des régimes ultra-réactionnaires et autoritaires, semble tout emporter et détruire sur son passage les droits humains, les droits sociaux et la planète, comment ne pas voir que l’Union européenne est encore celle qui oppose la plus grande résistance au creusement des inégalités, aux injustices, qu’elle est le lieu au monde où l’on vit le mieux? Comment ne pas comprendre que nous avons besoin qu’elle soit forte pour exister au niveau international et ne pas tomber dans la dépendance absolue à telle ou telle puissance mondiale? Comment ne pas comprendre qu’elle a besoin de la mobilisation et du courage des citoyen.ne.s pour ne pas renoncer à son identité positive ni au principe de laïcité qui est le sien?

Lors des prochaines élections européennes nous appelons, une fois encore, à voter pour l’Europe!

Voter pour l’Europe, c’est d’abord voter.

C’est privilégier la raison et ne pas céder au découragement, à la rancœur, à la colère.

C’est aussi voter pour une liste en mesure d’envoyer des élu.e.s au Parlement européen.Peu sur les 34 en lice en ont la capacité.

C’est choisir une liste porteuse d’un élan et d’une dynamique européenne, qui programme de consolider l’UE tout en la réformant profondément pour la rendre plus cohérente, plus sociale, plus démocratique, plus paritaire.

C’est enfin compter sur nos propres forces pour que l’Europe, au-delà du néolibéralisme, réaffirme ses valeurs de solidarité, de partage, d’alliance.

“Il faut un nouvel élan, une action concertée en Europe. Il faut compter sur et avec la personnalité démocratique des femmes, pour qu’au lieu d’une philosophie ou d’une économie du profit, du narcissisme, du pouvoir et de la guerre, vienne une économie de la création, de l’hospitalité et de l’éthique” affirmait Antoinette Fouque en 2008[3]. Voilà qui a toujours valeur de programme.

[1] Angela Merkel en Allemagne, Theresa May au Royaume-Uni, Zuzana Čaputová en Slovaquie, Kolinda Grabar-Kitarović en Croatie, Kersti Kaljulaid en Estonie, Dalia Grybauskaitė en Lituanie, Viorica Dăncilă en Roumanie… 

[2] Antoinette Fouque était alors députée au Parlement européen (1994-1999), vice-présidente de la commission des droits de la femme et à ce titre, à la tête de la délégation parlementaire européenne. 

[3] “Pour un Grenelle des femmes”, Génésique, Des femmes-Antoinette Fouque, 2012

Cette tribune est également signée par Christine Villeneuve.

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