Dès le début du MLF en 1968, les femmes qui se retrouvaient dans les AG, lors des réunions de « psychanalyse et politique », dans les groupes de quartier, ont été nombreuses à dénoncer les viols, les incestes, les violences, les humiliations, les harcèlements … qu’elles subissaient dont les auteurs étaient souvent des proches, leurs pères, oncles, cousins etc mais aussi des copains, des inconnus. L’ampleur et la fréquence de ces violences ont souvent été une surprise, une découverte, les récits des unes en levant le voile sur ces faits permettaient à d’autres de formuler ce qu’elles n’avaient jamais dit.
Dès lors, ce thème du viol, des violences, a toujours été au centre des préoccupations des femmes du MLF pour lever la censure sur ces actes et permettre aux femmes de sortir du silence et de retrouver leur capacité à agir ensemble pour y mettre un terme.
De grands rassemblements ont réuni plusieurs centaines de femmes :
en 1972, à la Mutualité à Paris pour les « Journées de dénonciation des crimes contre les femmes », organisées par la tendance féministe du MLF, le MLA et Choisir. Sur scène, des sketches, textes, témoignages ; aux murs, banderoles, panneaux photos, montages. Les femmes de « psychanalyse et politique » ont lu un texte à plusieurs voix sur le viol depuis la salle, c’était la première manifestation publique sur ce thème (reproduit dans le livre « Génération MLF 1968-2008, page 463, des femmes, Antoinette Fouque).
Il sera suivi en 1976, par un autre rassemblement à la Mutualité intitulé « Dix heures contre le viol ».
En mai 1981, l »’Assemblée constituante contre la misogynie » propose aux participantes de « sortir du silence, de l’isolement, de l’anathème, (car) c’est déjà une victoire sur la misogynie ». .
En 1989, est créé « L’Observatoire de la misogynie ». Pendant un an nous avons épluché la presse nationale et régionale pour effectuer un recensement de ces violences classées dans les faits divers, en particulier les meurtres de femmes et de petites filles, sans nous limiter aux violences conjugales et nous avons abouti au résultat terrifiant d’un meurtre de femme ou de petite fille par jour. Nous avons mis à jour, lors de ce travail, que l’espace familial était le plus violent pour les femmes et les petites filles. Cette démonstration stupéfiante n’a reçu aucun écho dans les médias ou chez les responsables politiques : on nous a objecté qu’on n’avait pas de preuves que ce n’était pas scientifique etc
Il aura fallu attendre plus de dix ans (et la mort violente donc de plusieurs centaines de femmes) pour qu’enfin, en 1997, le Service des droits des femmes commande l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France(Enveff). La collecte des données est réalisée en 2000, les résultats sont définitivement publiés en 2003. C’est la première enquête nationale qui porte sur des violences sexuées, c’est-à-dire des violences qui visent les femmes en tant que telles. L’enquête montre que le phénomène atteint des femmes de tous les milieux, dans la vie privée, dans les espaces publics comme au travail. Par ailleurs, l’image traditionnelle et trop restrictive de la femme battue doit être sérieusement revue : au sein du couple et de la famille, les femmes concernées sont confrontées à de multiples agressions physiques mais aussi verbales, psychologiques et sexuelles.
En 2017 la situation est toujours aussi scandaleuse mais grâce à l’écho des réseaux sociaux et à la détermination des femmes, les luttes de libération ont pris un nouvel essor rencontrant un écho planétaire. Les femmes savent désormais qu’elles sont plus de la moitié de l’humanité et que leur force collective est capable de changer le monde. Après les plaintes contre Harvey Weinstein pour agression sexuelle des dizaines de milliers de femmes ont partagé des témoignages sur ces violences sexuelles et sexistes. Le mot-clé « Metoo » lancé en 2007 par Tarana Burke pour dénoncer les violences sexuelles trouve un nouvel essor de même que le hashtag « #balance ton porc » de la journaliste française Sandra Muller. Dès les premiers jours ces mots clés ont exprimé la révolte des femmes avec plus de 20 000 partages sur les réseaux sociaux, dans de nombreux pays. Un point de non retour a été atteint, les femmes du monde entier ont décidé que ça suffisait comme on l’a vu aux Golden Globes où Oprah Winfrey dans un discours poignant a évoqué des parcours de femmes fortes comme Rosa Parks et Recy Taylor (kidnappée et violée en 1944 par six hommes blancs, ces derniers n’ont jamais été condamnés) et rendu hommage à la campagne anti-harcèlement #MeToo, qui incite les femmes victimes de harcèlements et d’agressions sexuelles à prendre la parole. « Je veux que toutes les femmes qui regardent actuellement sachent qu’une nouvelle ère se profile à l’horizon »
En cette nouvelle année 2018 ces femmes sont porteuses d’un monde meilleur pour les femmes et les hommes décidés à ne plus admettre l’inadmissible.